Édito

À Mirepoix, la place Maréchal Leclerc située au centre de cette bastide médiévale, fameuse pour ses larges couverts prévus pour abriter le marché est un bel exemple de bâti ancien très préservé permettant une bonne habitabilité. Un projet de SPR, longtemps attendu est en train de se mettre en place. Espérons que celui-ci sera doté d'un PSMV, justifié au regard de la qualité de ce patrimoine et permettant un accompagnement raisonné des modernisations nécessaires de l'habitat. ©Philippe Cieren
À Mirepoix, la place Maréchal Leclerc située au centre de cette bastide médiévale, fameuse pour ses larges couverts prévus pour abriter le marché est un bel exemple de bâti ancien très préservé permettant une bonne habitabilité. Un projet de SPR, longtemps attendu est en train de se mettre en place. Espérons que celui-ci sera doté d’un PSMV, justifié au regard de la qualité de ce patrimoine et permettant un accompagnement raisonné des modernisations nécessaires de l’habitat. ©Philippe Cieren

Pour l’administration fiscale, « l’ancien » commence dès la seconde occupation d’un logement neuf. Pour le monde de l’immobilier, c’est cinq ans. Pour le monde des statistiques, ce sont les immeubles et maisons datant d’avant 1949. Quand on parle de ville ancienne, chez les historiens, il faut comprendre la ville close du XIXe siècle…

La bastide royale de Villefranche-de-Rouergue est un magnifique exemple de forme urbaine dans un état de préservation exceptionnel. On arrive probablement à 40 % de structures médiévales préservées et une forme urbaine quasiment complète. Cependant, la situation géographiquement enclavée, dans un milieu rural en déprise, loin des routes touristiques, aboutit à une ville peu attractive et sans moyens. Malgré les difficultés, des efforts importants de restauration ont été engagés par la collectivité et l’approbation d’un SPR, il y a trois ans, qui sera appuyé par un PSMV, devrait permettre de préserver ce joyau. Cependant, on est dans le cas typique d’une ville à fort potentiel qui devra, d’une part, bénéficier d’un projet territorial complet et, d’autre part, d’une réflexion attentive sur les conditions d’habitabilité et d’usages des espaces publics si l’on veut, qu’à terme, les habitants s’y trouvent bien et réinvestissent les logements. © Ph. Cieren.
Difficile de placer une limite quand on parle du « déjà-là », cette dernière acception a le mérite de ne pas encadrer le sujet par des dates et correspond finalement à l’approche du code de l’urbanisme qui différencie les constructions neuves et les interventions sur l’existant… En réalité, au-delà de l’intérêt de la connaissance historique, la datation du bâti ancien est nécessaire pour établir le diagnostic préalable à une intervention architecturale. Le concept d’« intervention sur l’existant », plus large, contient en soi le principe d’une histoire préalable à prendre pour une future réutilisation. Là encore, le vocabulaire utilisé est riche. On parle de réutilisation mais aussi de recyclage, de requalification, de rénovation, de restauration et d’autres terme encore… Cela dénote les différentes approches que l’on peut avoir du sujet et les cultures variées des différents acteurs concernés.

Si l’on revient sur la question de la date et précisément l’année 1949, déterminée par les statisticiens pour différencier l’ancien et le contemporain, cela permet tout de même une approche quantitative globale. De cette façon, selon ce critère, on sait qu’environ 40 % de nos trente-sept millions de logements (environ) sont « anciens » et que les deux tiers de ces 40 % sont des maisons individuelles. Ces mêmes analyses nous confirment également que la répartition sur le territoire de ce bâti ancien est hétérogène car il compose l’essentiel du tissu rural, le reste se retrouvant dans les centres des grandes villes et, par ailleurs, les caractérise.

Si, à l’aune de ces chiffres, « Habiter l’ancien » peut apparaître comme un sujet qui ne concerne qu’une part relative de la population, sur la base du nombre de logements, il s’agit cependant d’un phénomène croissant ces dernières années, les opérations sur l’existant ayant pris largement le pas sur les constructions nouvelles pour atteindre environ les trois-quart des interventions. Ceci atteste d’une réalité qui présente des aspects et des objectifs variés et qui, par ailleurs, concerne des enjeux patrimoniaux, architecturaux et urbains allant du plus courant au plus exceptionnel.

Bien que ce sujet soit maintenant connu et documenté à bien des égards, ce que nous montrent les articles parus et la littérature existante sur ce thème, tout un tas d’enjeux qu’il contient ne sont pas ou peu abordés et, à la marge de nombreuses opérations somme toute « classiques » et « rassurantes », il existe des projets, innovants ou singuliers, transgressant parfois les codes habituels mais présentant de grandes qualités.

Par ailleurs, le concept « habiter » se limite trop souvent à la question du logement (maison ou immeuble) au détriment d’une approche plus globale qui inclurait le milieu environnant, urbain ou rural. Cette approche globale est fondamentale car elle participe et contribue à la qualité de « l’habiter » et dans le cas des centres villes qui font l’objet d’une désaffection inquiétante, c’est justement tout ce que peut offrir le contexte urbain qui peut lui redonner de l’attractivité.

À Perpignan, quartier Saint-Jacques. Fragment de ville ancienne illustrant les difficultés de gestion d’un PSMV dans un secteur défavorisé. © Ph. Cieren.

Trois thématiques semblent devoir attirer plus particulièrement notre attention parce qu’elles mettent en scène des enjeux qui sont tous vertueux, à partir desquels les projets puis les opérations réalisées doivent trouver les bons compromis.

Patrimoine et développement durable : le bâti ancien est-il en soi porteur de ce concept, dans quelles conditions et jusqu’où les évolutions sont-elles possibles ?

Patrimoine et habitabilité : dans de nombreuses configurations urbaines la préservation de bâtiments ou de tissus urbains de grandes qualités ne permet pas sans sacrifice de les rendre attractifs. Comment concilier les deux enjeux ?

Patrimoine et innovation : nous avons en France une conception très préservatrice de l’authenticité et des usages, plus particulièrement pour le patrimoine architectural protégé. Cette approche limite considérablement les possibilités d’interventions contemporaines, décourage souvent des investissements qui seraient salutaires et stigmatise l’enjeu patrimonial comme élément bloquant. Comment faire évoluer cette conception ?

À travers les articles qui suivent, l’opus 77 de Pierre d’Angle explore ce sujet de cette façon, à partir de réflexions et d’exemples particuliers qui constituent des avancées dans ce domaine et posent clairement les termes du débat.


Légende photo couverture dossier : La révision du PSMV de Perpignan, notamment pour ce qui concerne le quartier gitan a déchainé les passions du côté des défenseurs du patrimoine. Patrimoine ancien, certes, puisqu’il s’agit d’un parcellaire médiéval du XIVe siècle parfaitement conservé. Cependant, ce secteur comporte une grande partie de logements insalubres et en situation de péril avec un taux de vacance très important. Le pari du PSMV, qui a été approuvé récemment, est de permettre une évolution de cette situation en coordination avec un projet ANRU. © Ph. Cieren.

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