Pour l’administration fiscale, « l’ancien » commence dès la seconde occupation d’un logement neuf. Pour le monde de l’immobilier, c’est cinq ans. Pour le monde des statistiques, ce sont les immeubles et maisons datant d’avant 1949. Quand on parle de ville ancienne, chez les historiens, il faut comprendre la ville close du XIXe siècle…
Si l’on revient sur la question de la date et précisément l’année 1949, déterminée par les statisticiens pour différencier l’ancien et le contemporain, cela permet tout de même une approche quantitative globale. De cette façon, selon ce critère, on sait qu’environ 40 % de nos trente-sept millions de logements (environ) sont « anciens » et que les deux tiers de ces 40 % sont des maisons individuelles. Ces mêmes analyses nous confirment également que la répartition sur le territoire de ce bâti ancien est hétérogène car il compose l’essentiel du tissu rural, le reste se retrouvant dans les centres des grandes villes et, par ailleurs, les caractérise.
Si, à l’aune de ces chiffres, « Habiter l’ancien » peut apparaître comme un sujet qui ne concerne qu’une part relative de la population, sur la base du nombre de logements, il s’agit cependant d’un phénomène croissant ces dernières années, les opérations sur l’existant ayant pris largement le pas sur les constructions nouvelles pour atteindre environ les trois-quart des interventions. Ceci atteste d’une réalité qui présente des aspects et des objectifs variés et qui, par ailleurs, concerne des enjeux patrimoniaux, architecturaux et urbains allant du plus courant au plus exceptionnel.
Bien que ce sujet soit maintenant connu et documenté à bien des égards, ce que nous montrent les articles parus et la littérature existante sur ce thème, tout un tas d’enjeux qu’il contient ne sont pas ou peu abordés et, à la marge de nombreuses opérations somme toute « classiques » et « rassurantes », il existe des projets, innovants ou singuliers, transgressant parfois les codes habituels mais présentant de grandes qualités.
Par ailleurs, le concept « habiter » se limite trop souvent à la question du logement (maison ou immeuble) au détriment d’une approche plus globale qui inclurait le milieu environnant, urbain ou rural. Cette approche globale est fondamentale car elle participe et contribue à la qualité de « l’habiter » et dans le cas des centres villes qui font l’objet d’une désaffection inquiétante, c’est justement tout ce que peut offrir le contexte urbain qui peut lui redonner de l’attractivité.
Trois thématiques semblent devoir attirer plus particulièrement notre attention parce qu’elles mettent en scène des enjeux qui sont tous vertueux, à partir desquels les projets puis les opérations réalisées doivent trouver les bons compromis.
Patrimoine et développement durable : le bâti ancien est-il en soi porteur de ce concept, dans quelles conditions et jusqu’où les évolutions sont-elles possibles ?
Patrimoine et habitabilité : dans de nombreuses configurations urbaines la préservation de bâtiments ou de tissus urbains de grandes qualités ne permet pas sans sacrifice de les rendre attractifs. Comment concilier les deux enjeux ?
Patrimoine et innovation : nous avons en France une conception très préservatrice de l’authenticité et des usages, plus particulièrement pour le patrimoine architectural protégé. Cette approche limite considérablement les possibilités d’interventions contemporaines, décourage souvent des investissements qui seraient salutaires et stigmatise l’enjeu patrimonial comme élément bloquant. Comment faire évoluer cette conception ?
À travers les articles qui suivent, l’opus 77 de Pierre d’Angle explore ce sujet de cette façon, à partir de réflexions et d’exemples particuliers qui constituent des avancées dans ce domaine et posent clairement les termes du débat.
Légende photo couverture dossier : La révision du PSMV de Perpignan, notamment pour ce qui concerne le quartier gitan a déchainé les passions du côté des défenseurs du patrimoine. Patrimoine ancien, certes, puisqu’il s’agit d’un parcellaire médiéval du XIVe siècle parfaitement conservé. Cependant, ce secteur comporte une grande partie de logements insalubres et en situation de péril avec un taux de vacance très important. Le pari du PSMV, qui a été approuvé récemment, est de permettre une évolution de cette situation en coordination avec un projet ANRU. © Ph. Cieren.